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Témoignage

« Il y a encore de gros nuages devant nous » : le témoignage d’une usagère du réseau Ilévia

par Mattéo FERRUX • 16 novembre 2024

Crise dans le métro, sécurité dans les transports, communication, responsabilité : tant de sujets qui sont au cœur du quotidien des usagers du réseau Ilévia en ce moment. Ève Flament, usagère quotidienne du métro a décidé de témoigner et de donner son avis sur la situation actuelle. MobiLille lui a posé quelques questions.

Ève Flament, usagère régulière du réseau Ilévia a bien voulu témoigner de son expérience sur le réseau et de son avis sur une multitude de questions. Photo : LaPatateDouce/MobiLille

Elle se définit sur son compte X comme une « roubaisienne ritale ». En réalité, Ève est une des premières usagères à avoir suivi MobiLille à son début. Et au détour d’un tweet, je propose à Ève de témoigner puisque je la vois souvent sur les réseaux sociaux donner son avis sur la situation actuelle du réseau Ilévia et des problématiques qui en découlent. Alors, je lui demande si elle souhaite témoigner de son expérience et donner son avis dans le cadre d’un témoignage publié sur MobiLille.fr, l’article que vous lisez actuellement. Demande acceptée. Je lui ai alors posé quelques questions et ses réponses sont à la fois circonstanciées et factuelles.

Les propos rapportés dans ce témoignage n’ont pas été modifiés, ils ont été rapportés tels quels.

1 – La communication d’Ilévia depuis le début de la crise

La première question posée est évidemment autour de la crise actuelle du métro que nous traversons depuis juillet 2024 et de la communication apportée par Ilévia depuis.

Ève : « Il y a une amélioration, c’est vrai. Jusque septembre cependant, cette communication a été tantôt inexistante, tantôt catastrophique de la part d’Ilévia comme de l’exécutif de la MEL. Bref, on sent qu’il n’y avait pas un plan de communication de crise ou alors très mal pensé. S’il y a un mieux, je trouve qu’il y aurait besoin de davantage de messages vocaux dans les rames/trams. Tout le monde ne lit pas la presse ni ne fréquente les réseaux sociaux. Plusieurs médiateurs sur les quais donnent désormais de l’info avec professionnalisme mais ça a mis du temps. »


2 – La responsabilité de la crise

La question de la responsabilité est aussi importante. Certes Keolis/Ilévia est responsable, mais est-ce que la MEL, en tant qu’Autorité Organisatrice des Mobilités ne l’est pas tout autant ?

Ève : « Ce qui m’étonne c’est qu’on semble découvrir le problème amiante en 2024. Et qu’on n’ait pas anticipé le problème de délai pour la ligne 1 dont les rames devaient servir à la ligne 2. Comme autorité organisatrice, la MEL est évidemment en première ligne. Une délégation de service publique ça se contrôle et pas seulement en entérinant les chiffres et bonnes paroles d’Ilevia. On a vu aussi les maires largement dépassés lors du plus fort de la crise en juillet. Certains se félicitant même de la bonne tenue des JO quand les usagers étaient dans la galère. L’impression au final, alors qu’on nous incite à prendre les transports en commun, que ça intéresse peu les élus. Merci à Olivier CAREMELLE et Julien POIX, puis Pauline SÉGARD d’être montés au créneau rapidement. »

Rappelons également que d’autres élus ont eux aussi pris position sur cette crise comme Stéphane BALY (MECS/Lille Verte) et Benoît TIRMARCHE (LFI).


3 – Les transports au quotidien, comment s’y sent-on ?

La question de la sécurité et du bien être dans les transports en commun est aussi une question épineuse. Personne ne peut oublier les images de la ligne 2 datant de début septembre où les usagers étaient « entassés comme du bétail ».

Ève : « Depuis juillet, souvent à l’étroit ! Et ça rajoute de la fatigue aux journées de travail même si je suis d’une nature placide. Je dois prendre le tramway (plus long) donc au lieu de 45 mn aller ou retour, je suis à plus d’1heure quand tout va bien. Entre 2009/2015, je prenais le métro tous les jours et jamais eu de sentiment d’insécurité ni de fébrilité quant à sa fiabilité. De nouveau voyageuse depuis 2021, j’éprouve souvent le stress de la panne, le métro me semble bien moins fiable techniquement. »

La crise du métro a effectivement exacerbé l’effet d’insécurité. Fin septembre, La Voix du Nord titrait « C’est le règne du chacun pour soi et des mains baladeuses ». Une lectrice avait même déclaré : « Actuellement les frotteurs se font plaisir sur la ligne 2, vu comment nous sommes collés les uns aux autres. Nous ne pouvons rien dire car ils répondent que ce n’est pas de leur faute… »


4 – L’opérateur Ilévia a-t-il été à la hauteur pendant cette période ?

C’est une réalité, Ilévia a souvent été mis dans la panachée sur les réseaux sociaux en raison de leur manque de communication ou simplement en raison du manque de formation des personnels à quai.

Ève : « Clairement pas, les propos tenus par son directeur ont été perçus comme provocants par les voyageurs en galère. Une forme de négation des problèmes et d’une grande inconséquence. »

Début septembre, Franck Garçon, directeur général de Keolis Lille Métropole qui exploite la marque Ilévia déclarait dans La Voix du Nord que 15 minutes aux heures de pointe « c’est désagréable« . Une déclaration perçue comme provocante par de nombreux usagers en galère depuis des mois. Concernant la demande d’indemnisation des usagers, il avait répondu qu’il la refusait puisque « le service ne s’est jamais arrêté« , une véritable hérésie quand on a connu la situation cet été.


5 – « L’amélioration notable » sur la ligne 2 à la Toussaint annoncée par Ilévia

Ilévia avait annoncé une amélioration notable sur la ligne 2 à partir des vacances de la Toussaint.

Ève : « Pas vraiment. J’hésite encore à la prendre car on est encore en surnombre dans les rames. J’espère, je rêve sûrement, voir revenir le système d’une rame vide sur deux arrivant à Eurotéléport le matin. »


6 – L’abonnement V’Lille en guise de compensation, une bonne idée ?

En guise de dédommagement auprès des usagers et suite à une demande de la MEL, Ilévia a permis aux usagers de souscrire à un abonnement V’Lille d’un an gratuitement. Une solution suffisante ?

Ève : « Ne convient clairement pas à celles et ceux qui ont de grandes distances à parcourir. Cette solution était sans doute un geste mais tout de même inadapté et donc un peu méprisant en donnant un os à ronger pour avoir la paix. »

MobiLille s’était clairement positionné contre cette mesure discriminatoire pour certains publics, dont les Personnes à Mobilité Réduite et avait dénoncé que cette mesure était un « écran de fumée ».


7 – Une conclusion philosophique

En guise de conclusion, nous avons demandé à Ève si elle s’inquiétait pour la suite des évènements et si la MEL était elle aussi à la hauteur de la situation ? La réponse est assez claire :

« Oui, je m’inquiète de la suite alors que je suis d’une nature plutôt positive. Il y a encore de gros nuages devant nous. La MEL a hélas encore fait la démonstration de ses œillères face à la demande de mission d’information et d’évaluation réclamée par de nombreux élus. Cette mission aurait obligé à prendre le temps, mettre tous les sujets sur la table, en débattre avec des experts, professionnels, usagers. Manifestement, certains élus la MEL ne veulent pas perdre du temps avec des réclamations légitimes. Dommage, ça fait partie de l’exercice démocratique. »

Si vous aussi vous souhaitez témoigner de la situation, envoyez-nous votre tribune ou votre témoignage à [email protected]

Mattéo FERRUX

Mattéo FERRUX

Président de MobiLille, Mattéo FERRUX est activement engagé dans la défense des transports en commun lillois et dans l'information trafic aux usagers.